Ici repose les étrangers.

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"Faisant dévier mes chemins, il m'a déchiré et fait de moi une horreur."

Dortoir de pierres tombales soigneusement alignées, elle circulait parmi elles sans véritable but...
Quoique.
Elle s'était arrêté subitement devant une dalle sur laquelle on pouvait lire : ICI REPOSE LES ETRANGERS.
Les dalles voisines arboraient les mêmes mots alors que quelques flocons de neige venaient se poser dessus.
Ces personnes, anciens habitants d'Amiens, qui ont marqué la ville de leur personnalité, se sont retrouvés enterrés sous les termes d'étrangers et ainsi seront-ils considérés par tous à tout jamais. Et c'est sans parler de ceux qui ont simplement disparu, dans des circonstances douteuses...
On pense à la souffrance de leurs âmes qui ne se voient pas reconnaitre le moindre respect ni le moindre travail de mémoire.
Qu'est devenue Amiens ? Cette ville si belle, si vivante. C'est âge d'or, qu'est-il devenu ?

En revenant ici, c'est elle l'étrangère désormais. Elle ne reconnait plus rien, ni personne. Les rues sont vides, les tavernes désertées. Et les rares habitants qui osent s'y rendre, posent des questions des plus mystérieuses, comme s'ils n'avaient pas vu de visage inconnu depuis des années.

En regardant les pierres tombales, elle s'était demandé pourquoi celui ou celle qui vient d'ailleurs suscite toujours crainte et méfiance.
Mais son but premier, sa venue ici ne se trouve pas dans un désir ardent de visiter cette ville. Non... non...

Juste un besoin de justice. Un besoin de rendre la mémoire à ces disparus, à ceux et à celles qui voient leur nom effacé, découvrir qui est derrière tout ça.
Qui a cherché a les bâillonné ?
Qui s'est acharné à les punir de l'histoire d'Amiens ?
Qui a voulu les effacés au point de les rabaisser au nom "d'étrangers" ?
Pourquoi veut-on les oublier ?

Derrière son masque blanc, se cache un visage blême et dénué d'émotions. La jeune femme réajuste la capuche qui recouvre ses longs cheveux et se tourne vers le clocher de la cathédrale, qui se fait dès lors spectatrice du temps.
Personne semble même remarquer la présence de la jeune femme alors que la nuit tombe doucement. Un regard furtif dans les rues : les quelques silhouettes aperçues s'enfuient rapidement au détour d'un bâtiment.

Qu'est-il arrivé à Amiens ?
C'est ce qu'elle s'apprête à découvrir en s'engageant dans une ruelle aux allures abandonnées, et alors qu'elle marche d'un pas pressé elle s'arrête soudainement devant une maison qui a attiré son regard...